Publication de référence :Garnett, T., Godde, C., Muller, A., Röös, E., Smith, P., de Boer, I., ... & van Zanten, H. (2017). Grazed and Confused?: Ruminating on Cattle, Grazing Systems, Methane, Nitrous Oxide, the Soil Carbon Sequestration Question-and what it All Means for Greenhouse Gas Emissions. Food Climate Research Network.
Extraits traduits :
« Les sols représentent un stock de carbone très important. Tous les sols contiennent du carbone même si selon le type de sol la quantité qu'il peut retenir diffère. Toute la biomasse au-dessus du niveau du sol stocke également du carbone (les arbres en particulier).
Pendant que les plantes poussent, elles prélèvent le carbone présent dans l'atmosphère, dont une partie sera envoyée dans leurs racines. La majorité du carbone est renvoyée dans l'atmosphère quand la plante meurt et se décompose. Mais, si l'on n'intervient pas, une partie du carbone présent dans les racines et dans la litière des plantes – selon le climat, la pluviométrie, le microbiote du sol, sa gestion et de nombreuses autres variables – peut éventuellement être incorporée dans des composés du sol plus stables, ce qui constitue un prélèvement net de carbone dans l'atmosphère. C'est ce qu'on appelle la séquestration du carbone.
Si les conditions favorables continuent, le sol va séquestrer du carbone jusqu'à atteindre un équilibre, moment à partir duquel les émissions et les prélèvements sont équilibrés, et il n'y a donc plus de séquestration. Augmenter la séquestration peut être possible s'il y a une modification dans la façon dont est géré ou utilisé le sol.
Pour que les plantes puissent pousser – donc pour que le sol puisse stocker du carbone – il faut que suffisamment d'azote soit disponible. Il peut être apporté par une fixation bactérienne de l'azote atmosphérique - qui peut se fixer sur les racines des légumineuses – l'application d'un engrais minéral ou d'un engrais organique. Cependant, l'application d'azote sur les parcelles provoquera des émissions de N2O plus importantes, qui pourraient "annuler" les gains liés à la séquestration. Comme la séquestration est limitée dans le temps, son rôle dans la limitation du réchauffement l'est également. Il y a des problèmes additionnels de réversibilité (ce qui a été fait peut être défait) et de fuite […].
Les animaux qui pâturent peuvent aider le processus de séquestration car leur consommation d'herbe stimule la croissance des plantes et conduit à l'augmentation de la teneur en matière organique du sol en profondeur. Des facteurs tels que le type et la qualité du sol, le climat et la variabilité saisonnière, les niveaux de précipitations, la disponibilité des éléments nutritifs, la composition de la faune et des communautés microbiennes et le type de végétation influeront sur la transformation de la matière organique en carbone stable, ce qui déterminera si la séquestration se produit bel et bien. A l'inverse, le surpâturage est un problème dans de nombreuses zones : en réduisant la pousse de l'herbe, cela cause des pertes de carbone.»
Il est important de faire la distinction entre stock et séquestration de carbone. Le premier est la quantité de carbone piégé dans le sol, le second réfère au transfert net de carbone depuis l'atmosphère dans le sol ou la biomasse. Le carbone peut bien sûr être stocké également dans la partie aérienne des plantes (tiges, feuilles, etc.).
En France, hors DOM-TOM, 3,6 milliards de tonnes de carbone sont stockées dans les 30 premiers centimètres du sols.
Certaines régions sont beaucoup plus riches en matière organique que d'autres. Cela dépend de l'utilisation des sols et de sa composition et du climat local.
d'après Sylvain Pellerin et Laure Bamière et al, 2019. Stocker du carbone dans les sols français, Quel potentiel au regard de l’objectif 4 pour 1000 et à quel coût ? Synthèse du rapport d'étude, INRA (France), 114 p (lien)
Le stock total de carbone dans les sols* (jusqu'à une profondeur de 1m) est de 1 500 GtC (ou de 5 500Gt de CO2**){46], ce qui représente deux fois la quantité de carbone trouvée dans la végétation terrestre, et trois fois celle de l'atmosphère, c'est donc un puit de carbone très important.
[46] Batjes, N.H. (1996). Total carbon and nitrogen in the soils of the world. European Journal of Soil Science, 47, pp. 151-163.
Aujourd’hui, c’est environ 30% des émissions de l’élevage bovin qui sont recaptés par les prairies, les haies, et les systèmes de rotations de cultures mis en place (cf ci-dessous).
De nouvelles avancées sur les niveaux de stockage du carboneExtrait de Dollé, J. B., Moreau, S., Brocas, C., Gac, A., Raynal, J., & Duclos, A. (2015). Elevage de ruminants et changement climatique. Institut de l’Elevage. P8 et figure 8 page 15 et tableau 8 page 10 « Dans le cadre des projets européens GreenGrass (Soussana et al., 2007), CarboEurope (Schulze et al., 2009) et Animal Change, 40 sites européens ont fait l'objet d'un suivi des émissions de GES et de stockage de carbone pendant plusieurs années. Combinant différents types de prairies et différents modes de gestion (fertilisation, fauche, pâturage, apport de déjections,...) les suivis mettent en évidence un stockage moyen de 7760 kg de carbone/ha/an. Selon cette valeur et comparativement aux 570 kgC/ ha / an utilisés jusqu'à maintenant, cela porterait la compensation des émissions du secteur à 37% contre 28% actuellement. ces travaux ont également abouti à la mise au point d'un modèle de détermination du stockage de carbone, qui devra permettre l'évaluation du potentiel de stockage des régions climatiques croisées aux systèmes de production. Les données que produira ce modèle pourront ainsi être intégrées aux futurs bilans carbone des systèmes de production. »
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Initiative 4 pour 1000L’initiative internationale "4 pour 1000", lancée par la France le 1er décembre 2015 lors de la COP 21, consiste à fédérer tous les acteurs volontaires du public et du privé (États, collectivités, entreprises, organisations professionnelles, ONG, établissements de la recherche,…) dans le cadre du Plan d'action LimaParis. L'initiative vise à montrer que l’agriculture, et en particulier les sols agricoles, peuvent jouer un rôle crucial pour la sécurité alimentaire et le changement climatique.
En s’appuyant sur une documentation scientifique solide, cette initiative invite donc tous les partenaires à faire connaître ou mettre en place les actions concrètes sur le stockage du carbone dans les sols et le type de pratiques pour y parvenir (agro-écologie, agroforesterie, agriculture de conservation, de gestion des paysages…).
L’ambition de l’initiative est d’inciter les acteurs à s’engager dans une transition vers une agriculture productive, hautement résiliente, fondée sur une gestion adaptée des terres et des sols, créatrice d’emplois et de revenus et ainsi porteuse de développement durable. Site internet : https://www.4p1000.org/fr Vidéos : 4 pour 1000 | Les sols pour la sécurité alimentaire et le climat ou 4 pour 1000, les sols agricoles pour la sécurité alimentaire et le climat Une initiative soutenue par France Nature Environnement : https://www.fne.asso.fr/actualites/solsagricoles-terreau-des-productions-alimentaires-et-solution-pour-le-climat Infographie : https://agriculture.gouv.fr/infographie-4-pour-1000-la-sequestration-du-carbone-dansles-sols |
* On parle de SOC (Soil Organic Carbon)
** Après conversion, avec : Masse molaire du carbone = 12, celle du CO2 = 42 (12+16*2) |
Sources :
Pour aller + loin : Les contributions possibles de l’agriculture et de la forêt à la lutte contre le changement climatique par Madignier et al. 2014 (lien)
Autre représentation du cycle du carbone, avec les entrées et sorties, d'après Jérôme, E., Beckers, Y., Bodson, B., Degard, C., Moureaux, C., & Aubinet, M. (2013). Stockage de carbone et flux de gaz à effet de serre en prairie (synthèse bibliographique). Biotechnologie, Agronomie, Société et Environnement, 17(1), 103. (lien)
Article de presse : La forêt amazonienne stocke moins bien le carbone LaCroix 23/03/2015 par Denis Sergent (lien) |
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